-77 Le bruit des médias

Par Laurent Willemez

 Pendant 100nuits, chaque semaine, un sociologue propose un contrepoint à un film de 100jours. Cette semaine +23 de Gildas Nivet.

 En ces temps de campagne électorale, à tous les moments de la vie quotidienne, des petites phrases, des commentaires, des commentaires sur les commentaires, des analyses de sondages, des résultats provisoires de la course de petits chevaux à laquelle se livrent les candidats… Télévision, radio, presse écrite, presse internet, réseaux sociaux : tout se télescope, tout s’emmêle. Le bruit et la fureur d’une campagne électorale, marquée par la nécessité de coller aux attentes des professionnels de la communication et du journalisme, par l’enjeu de proposer aux entreprises médiatiques de belles images, des « angles » originaux et des sons parlants.

 Le film (+23, Gildas Nivet, 18.02.2012, 100jours) revient sur cette thématique de l’influence et de l’omniprésence, des médias, qui pourrait apparaître comme un topos devenu à ce point classique qu’il n’est « même pas faux », comme disait P. Bourdieu. Le propos est cependant plus complexe, mettant en équivalence la parole citoyenne et le bruit médiatique. Peut-être est-il alors possible de rappeler quelques éléments pouvant servir de contrepoint. Lire la suite

-84 Le Goût de l’école

Par Étienne Douat

Pendant 100nuits, chaque semaine, un sociologue propose un contrepoint à un film de 100jours. Cette semaine +14 de Karel Pairemaure.

 On l’a tous un jour entendu. Face à la mondialisation néolibérale dont tu évoques dans ta lettre les conséquences assommantes (+14, Karel Pairemaure, 09.02.2012, 100jours), il y a l’école. L’école publique comme haut lieu de résistance face aux processus de fabrique des inégalités de classe, au culte de la performance individuelle et de la compétition généralisée. L’école pour tous, l’école ouverte, l’école émancipatrice… La belle histoire. En écoutant la tienne, je découvre que tes doutes rencontrent une partie des miens. Concurrence, performance, peur, surveillance, uniformisation, docilité… autant de méthodes dis-tu, que l’on commencerait à « goûter » dès l’école. Vous exagérez diront certains… 

La dernière livraison de la direction de l’Education de l’OCDE publiée cette semaine nous rappelle que l’histoire que tu racontes n’est pas une vielle fable mais s’écrit devant nous, à bas bruit le plus souvent. Quelques mots tirés de la présentation officielle de ce document dont je prends aujourd’hui connaissance, et qui passeront probablement inaperçus dans la plupart des médias : « L’objectif est de créer des systèmes d’éducation et de formation qui contribuent à la stabilité sociale et au dynamisme économique et qui donnent à chaque individu la chance de tirer le meilleur parti de ses capacités innées à tous les stades de sa vie. » Stabilité sociale et dynamisme économique ? Un horizon prioritaire pour l’école donc, qui rappelle avec force l’actualité de certains travaux que d’aucuns croyaient périmés, caricaturaux ou trop fatalistes… au point de les évacuer des bibliographies de la formation des enseignants. Lire la suite

-91 Invisibles

Par Bertrand Geay

Invisibles, les « sans droits », les « fins de droits », les stagiaires à deux francs six sous, les travailleurs pauvres de l’entretien, de la manutention, des grands chantiers du bâtiment. Invisibles, les handicapés, les fous, les vieillards en « fin de vie ». Invisibles, ces femmes assignées à domicile, véritables « chômeuses de l’ombre »1, ces jeunes hommes qui, en dépit des droits acquis par leurs aînés, tentent toujours aussi souvent de se tuer parce qu’ils sont en train de découvrir leurs penchants sexuels.

Tout à l’heure dans le métro, quatre SDF s’installaient pour dormir, chacun sur leur banc, avec leurs bonnets, leurs gants, leurs couvertures et leurs litrons. Tout autour, chacun se pressait de rentrer chez lui et se préparait à affronter le vent glacial de ce début février. Dans les couloirs, il y avait encore une vieille femme à genoux, un jeune homme hirsute, assis en tailleur derrière son petit panneau en carton : « j’ai faim ». Lire la suite

-98 Dépossession

Par Hélène Stevens

Pendant 100nuits, chaque semaine, un sociologue propose un contrepoint à un film de 100jours. Cette semaine +1 d’Odile Magniez.

« Comment est-ce possible ? Pourquoi c’est la droite qui gagne avec tout ce que nous avons vécu ces derniers mois ? » Odile Magniez (+1, 27.01.2012, 100jours)

Stupeur, colère, incompréhension. Les lendemains ne chantent pas.

Toutes ces mobilisations, ces grèves, ces manifestations, ces assemblées générales tenues, ces pétitions signées, ces tracts rédigés et distribués, ces blocages de voies ferrées, de péages, de centres commerciaux, tous ces lieux occupés, ces squats d’immeubles, ces grèves de la faim, ces séquestrations de dirigeants, ces « motivés » qui chantent, ces « obstinés » qui tournent ou ces « indignés » qui campent… Et puis… Lire la suite