Par Otto T
Par Pascal Boissel
1. Naufragé.
« (...)la mer aussi s’était envenimée jusqu’à devenir un abîme sans bonté -une jungle à régenter de mes lois maritimes contre les requins, les méduses et les algues urticantes ; à chaque nouvelle lune je me dressais sur un de ces promontoires au-dessous desquels l’océan se fracasse en donnant le sentiment qu’il veut avaler l’île, et je le tenais en respect à coup de proclamations, décrets, lettres patentes et dispositions avancées de police, le tout accompagné de quelques édits sans concession ; l’article sept par exemple de mon Code maritime interdisait aux vagues de se présenter noires ou sombres, l’indigo clair ou le vert de jade seuls se voyaient tolérés ; je mis de l’ordre dans les tempêtes, en les obligeant à des obligations préalables, et je fixai très sérieusement la distance sur laquelle il leur était possible de pénétrer les terres ; je traitais de la pêche des poissons-coffres, de l’interdiction de séjour des poissons venimeux, de la répartition des crabes, de l’envahissement des tortues,(…)je reconnais avoir soumis cette mer aux rigueurs d’une dictature féroce, et l’avoir ainsi cantonnée sans appel dans les limites et le poison de sa grande haine à mon égard… ; (…) »
Un homme, naufragé, sans mémoire, seul sur une île, perd le sens commun et entreprend de régenter par décrets et furieuses injonctions, les forces avoisinantes, vagues excessives, tempêtes hostiles à sa personne, animaux marins divers, tous décidément méchants envers lui.
Nous sommes dans l’univers de Patrick Chamoiseau, dans son livre, « L’empreinte à Crusoé », pages 40-41.
Un être sans passé se raccrochant à un comportement de bureaucrate haineux, seul avec sa rage, loin de tout. Par ses édits, il croit instaurer la civilisation en une terre à laquelle il ne comprend rien. Lire la suite