Par Raymond Bozier
Par Raymond Bozier
||3° Par métaph. et fig. Ce qui sépare, forme obstacle (Cf. Frontière, cit. 1 ; large, cit. 22). Se cogner (Cit. 3), se heurter à un mur ; donner de la tête, se jeter (Cf. Idée, cit. 38) contre un mur : échouer* à cause d’un obstacle insurmontable*. Mur d’airain (Cf. Importunité, cit. 3). – Cet homme est un mur, un mur de glace (cit. 12) : il est insensible, muet, froid… Parler à un mur. C’est comme si l’on parlait à un mur. – Le mur qui s’élève entre deux êtres. Un mur d’incompréhension.
Cet homme est un mur. Rien n’était stable dans cette immensité urbaine. Les rues, les murs, les populations, les voitures, les oiseaux : tout bougeait sans cesse. Et il en allait de même pour les sièges des sociétés multinationales, construits à l’extrémité ouest de la cité, autour d’une longue esplanade, sur une sorte d’ilot ceinturé de routes. Ces puissantes tours de bureaux – composé de béton de verre et d’acier – dressées à la verticale et dotées de vitrages opaques réfléchissant la lumière, apparaissaient et disparaissaient au gré des mouvements précipités d’une foule d’employés qui surgissait le matin des escaliers, puis s’engloutissait le soir de la même manière dans les sous-sols du métro. On aurait dit des fourmis transportant des parcelles de la fourmilière qui les faisait vivre.
– Abri, protection. Le mur de la vie privée, déformation d’une phrase de ROYER-COLLARD (la vie privée doit être murée*). Vivre derrière un mur (V. Isolement).
Le voyageur exténué posa une main sur le mur de l’autre côté duquel s’entendait un bourdonnement continu. La porte ouverte derrière lui donnait sur un pallier dont l’escalier avait disparu. Lire la suite
Par Raymond Bozier
– Sports. Faire le mur, se dit des joueurs de football qui se rangent en une ligne serrée en face de l’adversaire (qui tire un coup franc).
« On devient philosophe comme on devient athlète. » Epictète. Étrange règle d’un monde obsédé par la musculature et la virtuosité de ses athlètes, étrange règle qui voulait que lorsqu’une faute était commise non loin du but, un mur de chair, d’os et de tissu, se constituât afin de le protéger. À une dizaine de pas de ce fragile rempart se trouvait un cercle de cuir posé à terre devant un tireur. Dans son but le gardien du temple hurlait des ordres et agitait la main, tantôt vers la gauche, tantôt vers la droite, afin de bien positionner le mur et de protéger du mieux possible son espace ; de leur côté les équipiers du tireur, tous porteurs de protège-tibias et de chaussures à crampons, attendaient, les mains posées sur les hanches, les yeux fixés sur la balle. Durant ces préparatifs, une partie de la foule massée dans des tribunes, hurlait, sifflait, trépignait pour déstabiliser le tireur. L’espoir ou la crainte enflaient dans chacun des camps. Au sifflet d’un arbitre habillé en noir, l’exécuteur reculait de quelques mètres avant de se précipiter sur le cercle de cuir dans lequel il frappait violemment. Parfois le projectile pénétrait à l’intérieur du but, parfois il montait en l’air et fuyait hors du cadre, parfois il butait contre la fortification provisoire et revenait en arrière. Alors le mur de chair, d’os et de tissu, se défaisait instantanément, le mouvement général codifié reprenait, et les cris d’encouragement des supporteurs reprenaient de plus belle. Les aficionados appelaient cette phase de jeu « un coup franc ». Le voyageur exténué ne jouait pas à ce jeu là. Il n’aimait pas plus les divertissements trompeurs que les encouragements futiles des foules délirantes. A la gloire superficielle des amuseurs publics, il préférait le courage des lutteurs anonymes contre la mort quotidienne. Au détournement de l’attention, il préférait le regard chaleureux d’une passante inconnue. Aux cris, aux sifflets, il préférait le chant lointain et fortuit de la poésie.
Par Raymond Bozier
||2° Par ext. (En parlant de toutes sortes de barrières*, d’enceintes* qui ne sont pas en maçonnerie). Petit mur de terre. Mur de rondins (V. Palanque). – Cloison. Couloir à mur de vitres (Cf. Héliothérapie, cit.). – V. Paroi. Les murs d’une grotte, d’une caverne, d’une caverne ; murs taillés en plein roc (Cf. Grotte, cit. 3). Les murs et le toit d’une galerie de mine.
« Et le mur était patient comme seule peut l’être une pierre ; de et vers la pierre. – Mais là quelque chose n’allait pas ! Mon visage se contracta :? » Arno Schmidt. Le voyageur exténué était de nouveau couché sur le sol de sa chambre et il avait une furieuse envie de rire, mais quelque chose l’en empêchait. Il faut dire que l’époque ne prêtait guère au laisser-aller. Le passé et le présent comportaient tellement d’aberrations qu’ils finissaient par obérer le futur et obstruer les consciences, les empêcher de croire à la possibilité d’un revirement. L’ancien monde, dont le voyageur était plus que las, continuait ainsi son action délétère. C’était comme une sorte de rocher détaché d’une montagne de certitudes et qui n’avait pas encore fini totalement sa course. Certes, il y avait des obstinés qui s’efforçaient de le stopper et de le repousser tout d’un bloc dans les ravins de l’histoire, mais leur nombre et leur force étaient tels qu’ils s’épuisaient et finissaient même parfois par se faire écraser. Le voyageur exténué, qui nourrissait un profond mépris pour tous les Sisyphe qui encourageaient ou subissaient sans jamais la contester la loi du rocher, avait lui aussi la certitude qu’un autre monde pouvait très bien se substituer à l’ancien, mais il ignorait comment s’y prendre pour hâter sa survenue. Aussi, pour résister à l’ambiance déplorable du moment et ne pas sombrer dans le désespoir, il n’avait trouvé rien de mieux à faire que d’attendre. Quoi ? Il ne le savait pas, il n’entrevoyait que les contours d’un possible changement, mais il attendait de toutes ses forces. Et rien ne le distrayait de cette attente, même si, de temps en temps, il agitait frénétiquement les jambes, poussait quelques cris, tapait du poing sur le sol en promettant de tout foutre en l’air. Cette longue attente lui procurait une forme de bonheur paradoxal : un bonheur de vivre malgré tout et de résister à la pression de tous ceux qui faisaient encore se mouvoir le rocher.
Résidus d’écran – Ciment cimenteries
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Par Raymond Bozier
– Loc. fig. Les murs ont des yeux (vx), des oreilles : on peut-être surveillé, épié sans qu’on s’en doute (se dit spécial. En parlant des espions*).
« Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà. » Montaigne, Essais, Liv. I, chap. III.
« … mais la vérité la plus proche, c’est que tu te cognes la tête contre le mur d’une cellule sans porte ni fenêtre. » Kafka, Journal, 21 octobre 1921. Le voyageur exténué avait exploré toutes sortes de placards, visité de multiples capharnaüms, traversé d’innombrables logements luxueux ou insalubres, ouverts bien des portes donnant parfois sur le vide, parfois sur des splendeurs, parfois sur la banalité des choses, mais jamais il n’était entré totalement en lui-même, jamais il n’était allé au profond de cette masse respirante et lourde qu’il faisait s’agiter jours et nuits au gré des circonstances. Comme tout un chacun, il s’était toujours contenté de se projeter vers l’extérieur, au-delà des limites de sa propre matérialité. Ainsi avait-il pu atteindre des lieux situés hors de portée du regard, arpenter des espaces inconnus, longer des routes passagères, s’appuyer contre des murs lisses et sans joie, croiser des êtres familiers, les fréquenter et même jouir de leur douceur. Pour tout dire, le voyageur exténué n’avait fait que tourner autour de lui-même, comme un derviche emporté par l’ivresse de son mouvement. Lire la suite
Par Raymond Bozier et Hubert Saint-Eve
– S’accoter*, s’appuyer contre un mur ; s’adosser à un mur. Pousser quelqu’un contre un mur… a – Loc. métaph. et fig. Coller au mur. V. Fusiller (Cf. Au poteau, et aussi Bon, cit. 120. Cf. également, dans ce sens, Le Mur, nouvelle de Sartre). – Se cogner * la tête, donner de la tête contre les murs. V. Désespérer (se). C’est à se taper la tête contre un mur !
Invité : Hubert SAINT-EVE, artiste peintre. Ma complicité créative avec H.S.E. date de la période où il dirigeait la revue « FAIX », au tout début des années 1980. Elle a toujours été féconde et ne s’est jamais interrompue. H.S.E. est avec Goya, Picasso et quelques autres, un des peintres qui compte le plus pour moi, même s’il est presque totalement inconnu du public.Pour cette neuvième « Suite murale », j’ai choisi d’exposer la création qu’il a réalisée à partir d’un de mes poèmes extrait d’une suite inédite intitulée : « La folie paroxystique des moribonds » (on peut voir d’autres extraits de ce travail commun sur le site http://hubertsaint-eve.com/; allez y jeter un œil, c’est somptueux !). Quant à cette « Bonne année, bonne santé » elle est le résultat d’un fait d’hiver (orthographe volontaire) qui s’est produit tout près de chez moi, une nuit froide et humide où, avec des ami-es, nous avions fêté de manière joyeuse et abondante le premier de l’an. La découverte de ces deux pauvres hommes (hommes pauvres à ajouter aux morts de la rue) à quelques mètres de chez moi, le lendemain, m’a refroidi la mémoire pour le restant de ma vie. D’autres sont morts les hivers suivants et encore cet hiver, de la même manière, et j’avoue que je n’arrive toujours pas à digérer ce fait politique d’importance…
– Loc. prov. On tirerait plutôt de l’huile d’un mur, se dit d’un homme très avare*, ou encore d’une personne intraitable – N’être pas gras de lécher les murs.
Par Raymond Bozier
– Loc. Entre quatre murs : dans une maison vide* ; et aussi, en restant chez soi (Cf. Bizarrerie, cit. 5), à l’intérieur, enfermé (volontairement ou non). Passer ses vacances entre quatre murs, à cause de la pluie. Entre les quatre murs d’une école, de la Sorbonne (Cf. Instituteur, cit. 5). Enfermer entre quatre murs (de prison).
« La famille était réunie pour le dîner. Á travers les fenêtres sans rideaux, on pouvait voir la nuit tropicale. » Kafka, Journal – Note du 26 octobre 1913.La lumière du jour et la pluie filtraient à travers les persiennes.Une table, une chaise et une armoire constituaient le seul mobilier de la chambre. Le voyageur exténué quant à lui était couché sur le côté, à même le sol, les genoux remontés sur le ventre, la tête posée sur son bras droit. Il riait de temps en temps, pour tromper sa solitude et s’assurer de sa bonne santé mentale. Malgré la chaleur extérieure le carrelage conservait un peu de fraicheur. Il respirait lentement. La pièce sentait le renfermé et des moisissures couvraient la tapisserie côté ouest. Passer ses vacances entre quatre murs, à cause de la pluie, n’était certes pas la meilleure des choses, mais le voyageur en avait vu d’autres. Le contact de ses os contre le carrelage commençant à devenir douloureux, il se tourna. Il était parfaitement libre de ses mouvements et nul ne l’obligeait à rester éternellement sur le côté droit. Lire la suite
Par Raymond Bozier
– Les murs d’un édifice, d’un bâtiment, d’une maison*. Murs extérieurs, gros murs (V. Cage, II). Murs intérieurs, de refend*. V. Cloisons. Murs latéraux, de façade. Murs de fondation, murs portants.
Fiction cloisonnante : Il y avait des tiroirs dans la cloison en fond de chambre. Le voyageur exténué les ouvrit un à un puis les repoussa d’un coup sec. Le glissement des casiers sur les rails et le claquement bref accompagnant les fermetures lui procurèrent à chaque fois un plaisir sans nom (une sorte de jouissance interne prenant naissance dans le ventre puis irradiant le reste du corps). Ce ne fut qu’après la manipulation du huitième tiroir qu’il prit conscience d’une présence derrière lui et qu’il se retourna. Sa mère et sa sœur, vêtues d’une chemise de nuit transparente, étaient allongées sur son lit et dormaient paisiblement. Elles paraissaient l’une et l’autre totalement indifférentes à la lumière crue qui tombait du plafonnier. Cette situation inattendue le laissa quelque peu perplexe. Il ne comprenait pas comment les deux intruses avaient fait pour s’introduire dans sa chambre et s’installer dans son propre lit. Lire la suite
Par Raymond Bozier
– En parlant de la face intérieure des murs, des cloisons d’une habitation). Revêtement des murs d’une chambre (V. Boiserie, lambris, tapisserie). Papier tapissant les murs (CF. Force, cit. 84). Glace (cit.27), trumeaux* ornant les panneaux* d’un mur. Murs garnis de corniches, de plinthes. Meuble dans l’angle d’un mur (V. Ecoinçon) adossé contre un mur (V. Console). – Suspendre, pendre des tableaux, des gravures…
– Par ext. Les murs : l’habitation même.
Meuble dans l’angle d’un mur
je ne connais pas
les raisons du bonheur qui m’accable
et nul ne m’oblige à rêver
pourtant
certaines nuits
j’entre nu dans le béton
et j’en ressors au matin
tel un somnambule
lavé des rêves
Par Raymond Bozier
– Hist. Les murs cyclopéens* de Mycènes. Les longs murs du Pirée. – Le mur des lamentations (cit.4), à Jérusalem. – Le mur des Fédérés*. – Le mur de l’Atlantique, ensemble d’ouvrages fortifiés construit par les Allemands durant la seconde guerre mondiale.
(Incise : Le mur de l’argent est absent du Robert, mis hors langue officielle en quelque sorte. Pourtant, cette construction peuplée de personnages qui se dissimulent pour mieux profiter et pour lesquels seule la patrie du fric importe – Fric. n. m. (1900 : orig. obscure). Pop. V. Argent*. - produit de terribles ravages dans notre époque affolée. Face à ce mur invisible la plupart des humains sont comme ces insectes qui s’écrasent contre le pare-brise d’une voiture filant à toute allure : ils se cognent à l’obstacle sans pouvoir atteindre ses occupant-es, leur cracher à la gueule, ou leur arracher le moindre cri de détresse.) Lire la suite