-63 La forme d’une ville

Par Sophie Orange

Pendant 100nuits, chaque semaine, un sociologue propose un contrepoint à un film de 100jours. Cette semaine +35 de Thomas Hakenholz.

« Ici ça va être détruit »

Usines détruites. Squats désossés. Immeubles rasés. Ici, on casse et on brise.

« En fait ils ont tout détruit, ils ont détruit la vie des personnes ».

Ecroulées les façades, tombés les murs, effondrés les toits. En même temps que la géographie cède, ce sont des histoires que l’on fait taire. Les bâtiments sont comme des biographies individuelles et collectives cristallisées, réifiées. Lorsqu’on les détruit, on détruit plus que de la tôle, du parpaing ou du verre : on démolit des souvenirs, on déchire un groupe, on défait une mémoire collective. Si ces travailleurs, ces familles, sont tant attachés à ces murs, à ces portes, à ces machines, à ces couloirs, c’est que ces murs, ces portes, ces machines et ces couloirs portent leurs empreintes. La ville, la maison, la rue sont du social objectivé : ils fixent et font perdurer les liens amicaux et les liens familiaux. Ils supportent le passé des individus. Maurice Halbwachs écrivait que « lorsqu’un groupe est inséré dans une partie de l’espace, il la transforme à son image ».

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