-66 Suite murale 5

Par Raymond Bozier

Hist. Les murs cyclopéens* de Mycènes. Les longs murs du Pirée. – Le mur des lamentations (cit.4), à Jérusalem. – Le mur des Fédérés*. – Le mur de l’Atlantique, ensemble d’ouvrages fortifiés construit par les Allemands durant la seconde guerre mondiale.

(Incise : Le mur de l’argent est absent du Robert, mis hors langue officielle en quelque sorte. Pourtant, cette construction peuplée de personnages qui se dissimulent pour mieux profiter et pour lesquels seule la patrie du fric importe Fric. n. m. (1900 : orig. obscure). Pop. V. Argent*. - produit de terribles ravages dans notre époque affolée. Face à ce mur invisible la plupart des humains sont comme ces insectes qui s’écrasent contre le pare-brise d’une voiture filant à toute allure : ils se cognent à l’obstacle sans pouvoir atteindre ses occupant-es, leur cracher à la gueule, ou leur arracher le moindre cri de détresse.)

Mur des Fédérés et Atlantik wall : Le premier situé au cimetière du Père Lachaise à Paris supporta le sang des derniers défenseurs de la Commune de Paris fusillés par les Versaillais. Le second avait pour objectif d’empêcher le débarquement des forces opposées au régime nazi. Il fut construit par des prisonniers politiques (dont des républicains espagnols), des prisonniers de guerre (dont des Sénégalais ) et des ouvriers français requis par le travail obligatoire ; ce sont ceux-là seuls, et non les Allemands, qui ont édifié, sous la menace, blockhaus, asperges de Rommel, tobrouks, forteresses, batteries d’artillerie côtières… Quant à l’armée d’occupation elle n’était pas allemande, mais de pourriture nazie, de profonde pourriture nazie.

Hubert Saint-Eve – Unknow soldier monument, 2007. Huile, pigment, plâtre, enduit gras, encaustique sur aluminium et toile – 210 x 210 cm

Dits de l’ombre

(Michel F. requis, en 1943, par le travail obligatoire sur le site de la base sous-marine de Saint-Nazaire, en Loire Atlantique) :


« … l’officier allemand n’arrêtait pas de nous traiter comme des chiens. Un jour il a frappé un type avec une badine. Le gars a encaissé sans rien dire. Mais dès qu’il a eu le dos tourné, le type lui a foutu un coup de pelle derrière la tête et l’a flanqué illico dans la bétonnière, une machine tellement énorme qu’on n’a même pas vu passer le corps quand elle a dégueulé sa cargaison de béton. Comme on ne se faisait aucune illusion sur ce qui allait suivre, dès que la nuit est tombée on a sauté à l’eau avec un autre gars et on a foutu le camp dans le maquis. Je sais pas comment l’histoire a fini à Saint-Nazaire, mais ce qui est sûr c’est qu’il y a une saloperie de nazi qui se promène encore à l’intérieur d’un des murs de la base sous-marine.»


 

Mouvement de bétonnière : tournaient casquette, bottes, révolver, ceinturon, sable, ciment et gravier, tournaient la tête, les yeux et les bras, tournaient l’eau, les jambes, les oreilles, le nez, tournaient la terre, le ciel et les étoiles, tournait, la nuit, tournait le jour, tournaient les doigts, les paroles, la bouche et les pieds, tournaient les défilés, le pas de l’oie, les bruits de bottes, tournaient les camps de concentration, les fours crématoires, tournaient les grillages et la violence, tournaient les morts, les peurs, les coups, les viols, les gestes abominables, tournaient les bombardiers, l’Enola Gay et son Little boy, le Bockscar et son Fat man, tournaient les bombes A, tournait le ciment qui colle encore à la mémoire.


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