Par Anne Bory
Pendant 100nuits, chaque semaine, un sociologue propose un contrepoint à un film de 100jours. Cette semaine, +65 d’Ismaël Cobo.
Tout le monde n’a pas eu la chance de passer ses étés d’enfance à Argelès-sur-mer. Des kilomètres de sable entre la montagne qui plonge dans la Méditerranée et l’embouchure du Tech, un bois de pins où manger une glace à l’ombre, les ballades digestives le long du bord de mer, les copines du mois d’août…Tout le monde n’a pas eu la chance de ces promenades avec un grand-père (dé)roulant les « r », ses souvenirs et l’histoire familiale à mesure que s’alignent les parasols, les pieds dans l’eau. Après l’espace où les manèges de la fête foraine attendent le soir et leurs visiteurs, au bout du chemin qui oscille entre les immeubles de vacanciers et les pins, mon conteur s’arrête. Une stèle rappelle qu’à cet endroit où les enfants rebondissent sur les trampolines, il y avait un camp. Entre les pins et la mer, un camp. Mon grand-père raconte : la Retirada, les files de réfugiés espagnols traversant les villages, leur fatigue, leur tristesse, l’incrédulité des badauds, et ce camp. La police française y a enfermé en 1939 environ 100 000 personnes, membres de l’armée républicaine, brigadistes internationaux, civils fuyant le franquisme. Les « étrangers indésirables » et les Juifs leur ont ensuite succédé, jusqu’à ce que le camp devienne un chantier de jeunesse en 1941. Les parasols disparaissent, la douceur de l’été a l’air dérisoire, presque insultante. Lire la suite