-43 Tristes comptes pour enfants

Par Pascal Boissel

Une politique réduite à des pourcentages.

Le 19 mars, le Monde notait que jamais dans une campagne présidentielle, on n’a aussi minutieusement chiffré les programmes et « utilisé les mots de la finance ». « Calculs et pourcentages ont remplacé les débats de société ». La litanie des statistiques des journalistes économiques, tous néolibéraux convaincus, donnait la couleur, grise, de la campagne des principaux candidats. La dispute porte sur la façon de rembourser la dette de l’État et sur la façon d’asphyxier le peuple grec. Ce qui n’est pas dit, c’est que les banques sont financés par l’État avant de financer ce même État et d’autres États à des taux usuraires, pour le plus grand profit des capitalistes et d’eux seuls. Ce qui est tu, c’est la concentration des richesses et du pouvoir aux mains d’une classe capitaliste, alors que la majorité de la population s’appauvrit. Et la crise économique continue. Cette avalanche de nombres venant nourrir les injonctions des journalistes économiques, relais des capitalistes dans l’opinion publique, repose sur un postulat tacite : les élites économiques sont les seules productrices de richesse (non pas les travailleurs qui travaillent), elles doivent diriger le monde à leur guise. La politique réduite à des pourcentages vient, par son argument d’autorité, affirmer que la décision ne saurait plus être celle des représentants du peuple ; elle vient dire que l’élection deviendrait une guignolade sans conséquence s’effaçant devant une révérence faite aux vrais maîtres du monde.

Puis on parla de l’horreur.

On tue des enfants.

Le 19 mars, un homme tue quatre Juifs dont trois enfants, après avoir assassiné trois militaires les jours précédents. Je soulignerai le meurtre d’enfants, à bout touchant, tués parce qu’enfants, ici enfants juifs. L’horreur me saisit. Le meurtre prémédité m’évoque la décision du génocidaire (les génocides des Juifs, des Tsiganes, des Arméniens, des Tutsies) où le meurtre des enfants est justifié et planifié. Cela m’évoque aussi toutes ces guerres qui, depuis le 20ème siècle, sont des guerres où le massacre de populations civiles est systématisé, où la terreur d’État se déchaîne. Lors des Guerres mondiales, des guerres coloniales, de toutes ces guerres civiles qui se disséminent. Bien sûr, les génocides et les la terreur d’État nécessitent les services d’un État, un gouvernement pour être effectives ; et à Toulouse, ce fut autre chose. Mais c’est bien la contiguïté entre le meurtre d’enfant, de sang-froid, avec ces évocations des génocides et autres massacres d’État qui, selon moi, suscite chagrin puis colère chez beaucoup d’entre nous.

Tout enfant mérite protection.

Il y a peu, J.M. Le Pen, père de la candidate du FN aux présidentielles a déclamé un poème de Brasillach en public. Brasillach était un écrivain renommé qui mit son talent, la France étant sous le joug nazi, au service d’un journal de la Collaboration avec les nazis, « Je suis partout », qui multipliait dénonciations et appels au meurtre. Brasillach fut célèbre pour avoir écrit un article où il se félicitait de la déportation des Juifs et appelé les autorités à ne pas oublier d’ajouter les enfants à ces convois dont nul passager ne donna jamais plus signe de vie. Les enfants juifs furent exterminés. Le Pen a feint de s’étonner de recevoir des critiques pour son amour affiché à nouveau pour Brasillach. Ainsi parle le FN qui influence tant les hautes sphères politiques et policières de l’État français.

Un État français qui, par sa politique de répression des immigrés, disloque des familles, expulse des enfants scolarisés, renvoie dans son pays un homme dont la compagne est en train d’accoucher de leur enfant. Cet État qui multiplie les ouvertures de centres éducatifs fermés et assèche la politique de prévention (Protection judiciaire de la jeunesse) qui existait, en une politique dirigée contre la jeunesse des milieux pauvres et appauvris. Dans ce pays où l’on s’est habitué à entendre parler des immigrés en termes de « flux migratoires » à contrôler et maîtriser, l’ État peut ignorer dans ses procédures bureaucratiques, dans une indifférence assez généralisée, que les étrangers aiment leurs enfants, eux aussi, que tout enfant mérite protection.

Un enfant, trois enfants, quatre Juifs, sept personnes assassinées. Veillons que ce ne soit pas seulement à l’occasion d’atroces faits-divers que l’on compte un par un les enfants et tous les êtres parlants. Veillons à compter un par un les êtres vivants et leurs étonnants désirs singuliers.

Une réflexion au sujet de « -43 Tristes comptes pour enfants »

  1. Un message provenant de RESF reçu hier, lu aujourd’hui:
    LE MINISTRE DE LA CHASSE A L’ENFANT BRACONNE

    Pendant les événement de Toulouse, l’emprisonnement des enfants en centres de rétention continue, battant même des sortes de records.

    C’est ainsi que le 20 mars, une jeune femme roumaine et son fils d’un mois étaient enfermés au Mesnil-Amelot. Ils arrivaient tout droit de Fleury-Mérogis où la mère avait purgé quelques mois de prison pour des délits mineurs et où son enfant est né. De Fleury au Mesnil, bonjour la vie !

    Quoi qu’en dise le ministre de la chasse à l’enfant, les CRA ne sont en rien adaptés à l’accueil des enfants en général et des nouveaux nés moins encore. C’est si vrai que le personnel médical du CRA souhaitait que le bébé et sa mère puissent dormir à l’infirmerie mieux chauffée. Refus du chef de centre : pas assez de personnel pour les surveiller. Pas de lait adapté, pas de biberons, de stérilisateurs, d’eau minérale. Alerté, le Défenseur des droits (DDD) dépêchait immédiatement son directeur de Cabinet et le lendemain le médecin du centre rendait un avis d’incompatibilité entre l’état de l’enfant et la rétention. La mère et son fils étaient donc libérés… comme le sont tous les retenus : mis à la porte du centre sans que personne ne se préoccupe de savoir s’ils ont de quoi prendre le bus et le RER ni même de quoi téléphoner et moins encore s’ils ont un hébergement possible.

    Ce sont donc les militants de la Cimade qui les ont ramenés à Paris dans leur voiture et ont contacté le 115.

    Le même jour, une famille Rom de Roumanie était placée en rétention à Lyon St-Exupéry : le père, la mère et quatre enfants, le plus jeune âgé de six mois. Présentés le lendemain, 22 mars, à un juge administratif inflexible, ils ont été maintenus en rétention, le représentant de la préfecture étant allé jusqu’à déclarer que l’enfermement des enfants n’était pas un problème, lui-même par exemple ayant « été en internat sans en souffrir ». A l’entendre, on peut en douter et ne pas souhaiter lui ressembler. Ils ont été expulsés aujourd’hui, vendredi 23 mars .

    Le 22 mars, au Mesnil-Amelot, arrivée de deux jeunes femmes roumaines, elles aussi, placées en garde à vue puis en rétention par le préfet de la Vienne. La première avec son bébé de huit mois. La seconde avec une fillette d’une dizaine d’années que la police présente comme sa fille mais qui est en réalité sa nièce. On se trouve là en pleine illégalité : une mineure placée en garde à vue puis en rétention sans motif et sans ses parents ! C’est peut-être le futur radieux que se souhaitent Guéant et Sarkozy, mais pour le moment, c’est totalement illégal ! Ce n’est plus de la chasse, c’est du braconnage ! La police a fini par se rendre à l’évidence : la jeune fille va être libérée et être confiée à l’ASE.

    Par contre Marlena CIURARU et sa fille Sidonia (8 mois) sont prévues sur un vol pour Bucarest le 24 mars à 16h20. Il est encore temps de l’empêcher en faisant savoir au ministre de la chasse à l’enfant la haute considération que nous inspirent ses pratiques.