-83 Incorrecte seringue

Par Yvalin

Lundi 6 février 2012
Je suis requinqué, le conseil d’administration est impatient. Il faut mettre en place un planning de travail, un discours d’approche des politiques. Des administrateurs trouvent que nous n’allons pas assez vite, que le projet devrait être beaucoup plus avancé. Pourtant depuis que l’idée est lancée, une seule personne est venue proposer son aide. L’usager était au centre de nos préoccupations et bien souvent nos petits regroupements hebdomadaires disparaissaient purement et simplement.
Nous avions défini avec l’équipe, que même lorsque nous étions en réunion, si une personne venait chercher du matériel nous irions la servir. C’est aussi dans ces moments, en tête à tête, que nous pouvions parler filtration, finesse des aiguilles, difficulté à trouver les veines. Tout cela dans l’immédiateté, le projet était bien loin.
Et aujourd’hui que se passe-t-il, simple impatience d’un projet qui se construit lentement, dignité humaine affectée ou échéance politique ?

Plus tard
Réflexion faite c’est une question idiote, mesquine et … inutile. Je ne retiendrai que la dignité humaine ; si quelqu’un fait un autre calcul (ce que je ne crois pas) on s’en balance. Tiens rien que cela, passer du temps autour de ce qui pourrait motiver x ou y, les intentions sont-elles louables ou hypocrites, eh bien cela revient à passer du temps en discussion fumeuses, oiseuses. Autant mobiliser son temps, son énergie, son intelligence (n’ayons pas peur des mots !) sur le vrai sujet.

Mardi 7 février 2012
Il vaut mieux mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes que mobiliser son intelligence sur des conneries. Proverbe Shadok.

Mercredi 8 février 2012
C’est l’une des premières choses que j’ai appris en réduction des risques dans le domaine de la toxicomanie, se recentrer sur l’humain, se recentrer sur les points importants, primordiaux. Savoir faire la différence entre l’accessoire et l’essentiel. À moins que ce ne soit en approchant la précarité. Enfin, l’un ou l’autre je crois savoir pourquoi les politiques ne nous intéresse plus !
En effet comment trouver leurs discours creux et ronflant adaptés. Comment croire à leur énième promesse, après avoir constaté leur énième défection. Dans le public que je côtoie on paie cash, pas de temps à consacrer aux « bouffons ». L’authenticité, le non-jugement et surtout le respect sont des valeurs essentielles.
Je viens d’un autre monde, mon quotidien peut paraître enviable ou misérable, ce n’est pas ce qui importe. Ce qui importe c’est que je l’accepte comme il est et que je ne veuille pas en faire un modèle. Le quotidien d’un injecteur peut paraître misérable, ce n’est pas ce qui importe ; ce qui m’intéresse c’est le pont que nous pouvons bâtir entre ces deux quotidiens pour pouvoir échanger, dialoguer, communiquer. Qui suis-je pour pouvoir juger de son quotidien, est-ce que j’accepte qu’il juge le mien ?
Cela ne veut pas dire que nous devons chacun accepter notre monde sans vouloir le changer. Bien au contraire. Mais c’est parce que nous ne nous jugerons pas que chacun pourra faire un pas vers l’autre. Parce que j’aime que l’on me respecte, mon premier devoir est de respecter l’autre, quel qu’il soit. Nous pourrons alors construire une relation de confiance. Et c’est parce qu’ils me font confiance que je serai écouté lorsque j’explique qu’une solution opaque ne contient pas plus de principe actif qu’une solution translucide, que la filtration est indispensable, que même le petit matériel : cup, coton, paille est à usage unique et personnel.

Vendredi 10 février 2012
Si la politique est bien le vivre ensemble, cela m’intéresse. Les concepts politiques qui ne prennent en compte qu’une partie de la population sont indignes me semble-t-il. La différence a toujours au mieux intrigué, au pire fait peur. Certaines sociétés font le choix de l’individualisme, pourtant je pense que nous sommes plusieurs (sinon beaucoup !) à vivre sur la planète. Chacun dépend peu ou prou de son voisin, qu’il le désire ou non. Qu’il apprécie ou non son mode de vie. La déclaration des droits de l’homme est hélas trop souvent bafouée ou détournée. Droits et surtout devoirs sont au centre de certains discours de nos politiques, mais je pense que le premier (sinon le seul car nous pourrions dire que tout en découle) devoir est équivalent au premier de nos droits et se résume en un mot : respect. Respecter l’autre autant que je veux qu’il me respecte. N’oublions jamais le retour sur l’histoire, récente comme ancienne, les modes de vie dans tous leurs aspects varient. Ce qui est acceptable –standard (normal)– à une époque et dans un contexte donné ne le sera plus ensuite. La réduction des risques, concept né dans l’approche de la toxicomanie et aujourd’hui étendu à beaucoup d’aspect de la société, pose en préalable le non-jugement et le respect de la personne. Faisons entrer ce concept, ces attitudes en politique.

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