-99 Le président n’a pas seulement menti

Par Pascal Boissel

Lors de la campagne électorale de 2002 (qui fut aussi le moment de la première session de 100 jours), Sarkozy déclama dans plusieurs meetings « je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas, je ne vous trahirai pas ». Puis, élu, vite , il partit fêter sa victoire au Fouquet’s avec les principales fortunes du pays. Ainsi on sut que sa promesse ne s’adressait pas au peuple mais à l’aristocratie de l’argent. Il devait être sacré « Président des riches », grâce à un livre de deux sociologues, quelques années plus tard ; c’était très mérité.
En déduirons-nous que Président a menti à tous sauf aux capitalistes du CAC40 ? On pourrait en effet faire la longue liste de ses mensonges et reniements ; mais reconnaissons qu’ il fit pire. Il a dit, de façon systématique, une chose, son contraire, sans jamais justifier aucune de ces volte-faces. Il a ainsi participé à dévaloriser la parole politique, car au-delà de lui, c’est maintenant une habitude partagée que de ne parler qu’avec des « éléments de langage », sans cohérence.  
Ainsi, ces dernières semaines, on nous répéta, le Président en tête, que la notation AAA de la France par une institution US (qui note les pays et les villes du monde, et beaucoup d’autres choses encore, pour donner un avis éclairés aux grandes banques leur permettant de décider où investir à moindre risque et en faisant des profits les plus importants possibles), que cette note devait être conservée, à tout prix ; qu’ils y veillaient. Puis la « France » fut notée AA+, ce qui est gravement moins que AAA et alors… les porte-parole du gouvernement ont dit que ce n’était pas si grave. Puis on apprit que les financiers (dont le taux de profit doit être maximal, seul critère d’évaluation pertinent pour mesurer ce qui va bien dans leur monde imaginaire) avaient considéré depuis des mois avant que la France était moins fiable que l’Allemagne.
On nous avait annoncé une tragédie énorme ; celle-ci venue, nous vîmes que ce n’était qu’un épisode  sans grande importance de la longue histoire, qui s’accélère actuellement, du pillage des richesses par les capitalistes. Et les gouvernants et les éditorialistes parlèrent d’autre chose. Faire mine d’esquisser une explication de ces rebondissements piteux ne fut pas fait.
Il y a un lien, je crois, entre cette dévalorisation de la parole politique et l’abstentionnisme dans les classes populaires et chez les jeunes, tant ils savent que leur parole est ignorée (pas toujours) par les décideurs politiques.
On pourrait aussi faire l’hypothèse que la parole politique est dévaluée simplement parce que le  vrai pouvoir est entre les mains des financiers. Vieille hypothèse pour les marxistes ou les libertaires, mais depuis quelques mois, il ne s’agit plus de tenter une démonstration, mais simplement de constater ce qui se passe en Europe. La Grèce puis l’Italie et le Portugal ont connu un coup d’Etat sans violence physique pour mettre aux commandes de de ces États des dirigeants de la finance internationale pour la « rassurer ». Le processus électoral est devenu très officiellement superfétatoire pour les Importants de ce monde ; le rejet par le suffrage universel du Traité constitutionnel européen n’avait suscité chez eux que mépris non caché, il y a des années déjà.

L’enjeu dans ces démocraties qui dépérissent d’être confisquées par l’oligarchie, serait que des paroles politiques, minoritaires nécessairement, contradictoires inévitablement, se développent, en dialectique avec les inventions collectives qui fourmillent dans les sociétés.
Et que ces discours dominants de rejet des étrangers et de leurs enfants, ces annonces brutales de licenciement selon « les lois du marché », cette volonté persistante de fliquer les enfants dès la crèche, cette façon honteuse de parler des Roms et des Africains, que toutes ces paroles marquées par une haine peu déguisée, ne soient plus acceptées. Pendant les 100 jours qui viennent et bien au-delà.

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