-15 Révolution

Par Pascal Boissel

1. Tout bouge.

Nous vivons une époque de grands bouleversements, à l’ échelle du pays, de l’Europe, du monde. La crise économique continue avec son cortège de licenciés ; la misère s’étend, les inégalités s’accroissent.

Et les plus riches parlent de déserter cette contrée si les impôts les obligeaient à participer un petit peu plus à l’effort collectif.

Et la police est invitée à traquer les enfants nés ailleurs. Toujours plus.

La crise écologique est connue. Réchauffement climatique aux conséquences prévisiblement gravissimes, fin des ressources en pétrole. Le risque de nouvelle catastrophe nucléaire est d’autant plus important que l’on sait que l’État ment à ce sujet, comme en bien d’autres occasions (celle des déchets nucléaires par exemple).

Un grand bouleversement affecte aussi les relations internationales. Chine, Inde et Brésil s’imposent sur la scène mondiale capitaliste au détriment des impérialismes vieillissants de l’Europe et des USA.

C’est le propre du capitalisme que de révolutionner sans cesse les sociétés. Déjà, Karl Marx et Friedrich Engels en leur Manifeste le disaient de belle façon. Et c’est bien, toujours et plus que jamais, un mouvement erratique et permanent qui affecte les sociétés, sans esprit, ni but autre que l’accumulation du capital.

  1. Que signifie aujourd’hui le mot « révolution » ?

Dans les années 1970, ou dans les années 1920-1930, le mot révolution était associée à la révolution sociale, socialiste. Même si déjà, il fut dévoyé par les fascistes et les nazis et autres adeptes d’une « Révolution nationale » comme les pétainistes en France. Le but d’une société plus juste, plus égalitaire, plus accueillante était une œuvre collective à laquelle des groupes révolutionnaires (marxistes ou libertaires) tendaient à concourir. Cela commençait dès aujourd’hui.

Depuis la chute de l’Union soviétique et la transformation des groupes dirigeants de celle-ci en capitalistes prédateurs, depuis la transformation du Parti communiste chinois en en alliance nationaliste et néolibérale de choc, depuis que les polonais ont choisi majoritairement un développement économique passant par les privatisations plutôt qu’un socialisme autogestionnaire qu’ils avaient commencé à développer avec leurs syndicats, les mots de socialisme et de communisme sont devenus abstraits, voire repoussants pour beaucoup.

Certes, Nathalie Arthaud et Lutte ouvrière invoquent l’ « idéal communiste ». Et le philosophe Alain Badiou développe ce qu’il entend par « hypothèse communiste », par « Idée communiste ». Un idéal politique qui resterait enthousiasmant alors que des millions de personnes de par le monde ont combattu héroïquement pour un système qui était un pseudo-socialisme , une société totalitaire et impitoyablement répressive. Oui, l’idéal communiste existe toujours : plus modestement, plus discrètement, tentant de penser ces impasses monstrueuses du vingtième siècle ; il reste à lui donner chair dans les luttes et les expériences de notre époque ; ça reste à faire.

    1. Mélenchon et sa « révolution citoyenne ».

Mélenchon et le Front de gauche, avec leur révolution citoyenne, propose une dialectique entre les luttes et les élections, entre des propositions immédiates et la perspective d’une autre République, d’une autre société. Dialectique qui autorise des lectures différentes, voire contradictoires, dans le Front de gauche comme en dehors de lui. Soit l’accent est mis sur la révolution, les nouvelles bastilles à prendre, les foules enfiévrées et les délibérations des comités divers, soit on insiste sur l’adjectif « citoyen », sur le vote raisonnable, sur les institutions à réformer par quelque majorité électorale, sur une politique finalement très professionnalisée. Cette deuxième interprétation est celle de Philippe Poutou et du NPA, par exemple. La première interprétation sera celle de militants du Front de gauche et de ses adversaires de droite qui soudainement feignent d’y voir dès demain le bruit et la fureur annoncées.

Quoi qu’il en soit, cette élection aura vu le mot « révolution » remis à l’honneur. Grâce à la campagne du Front de gauche surtout, à celle de Poutou ou d’Arthaud aussi.

La révolution comme action collective concertée et décidée en opposition au chambardement sans trêve, sans rime ni raison, imposé par le capitalisme, chambardement exacerbé en ce moment néolibéral du capitalisme qui vit une crise exacerbée.

Révolution. Un mot qui évoque la vie, le désir. A nouveau.

-29 Seul sur une île

Par Pascal Boissel

1. Naufragé.

« (...)la mer aussi s’était envenimée jusqu’à devenir un abîme sans bonté -une jungle à régenter de mes lois maritimes contre les requins, les méduses et les algues urticantes ; à chaque nouvelle lune je me dressais sur un de ces promontoires au-dessous desquels l’océan se fracasse en donnant le sentiment qu’il veut avaler l’île, et je le tenais en respect à coup de proclamations, décrets, lettres patentes et dispositions avancées de police, le tout accompagné de quelques édits sans concession ; l’article sept par exemple de mon Code maritime interdisait aux vagues de se présenter noires ou sombres, l’indigo clair ou le vert de jade seuls se voyaient tolérés ; je mis de l’ordre dans les tempêtes, en les obligeant à des obligations préalables, et je fixai très sérieusement la distance sur laquelle il leur était possible de pénétrer les terres ; je traitais de la pêche des poissons-coffres, de l’interdiction de séjour des poissons venimeux, de la répartition des crabes, de l’envahissement des tortues,(…)je reconnais avoir soumis cette mer aux rigueurs d’une dictature féroce, et l’avoir ainsi cantonnée sans appel dans les limites et le poison de sa grande haine à mon égard… ; (…) »

Un homme, naufragé, sans mémoire, seul sur une île, perd le sens commun et entreprend de régenter par décrets et furieuses injonctions, les forces avoisinantes, vagues excessives, tempêtes hostiles à sa personne, animaux marins divers, tous décidément méchants envers lui.

Nous sommes dans l’univers de Patrick Chamoiseau, dans son livre, «  L’empreinte à Crusoé », pages 40-41.

Un être sans passé se raccrochant à un comportement de bureaucrate haineux, seul avec sa rage, loin de tout. Par ses édits, il croit instaurer la civilisation en une terre à laquelle il ne comprend rien. Lire la suite

-43 Tristes comptes pour enfants

Par Pascal Boissel

Une politique réduite à des pourcentages.

Le 19 mars, le Monde notait que jamais dans une campagne présidentielle, on n’a aussi minutieusement chiffré les programmes et « utilisé les mots de la finance ». « Calculs et pourcentages ont remplacé les débats de société ». La litanie des statistiques des journalistes économiques, tous néolibéraux convaincus, donnait la couleur, grise, de la campagne des principaux candidats. La dispute porte sur la façon de rembourser la dette de l’État et sur la façon d’asphyxier le peuple grec. Ce qui n’est pas dit, c’est que les banques sont financés par l’État avant de financer ce même État et d’autres États à des taux usuraires, pour le plus grand profit des capitalistes et d’eux seuls. Ce qui est tu, c’est la concentration des richesses et du pouvoir aux mains d’une classe capitaliste, alors que la majorité de la population s’appauvrit. Et la crise économique continue. Cette avalanche de nombres venant nourrir les injonctions des journalistes économiques, relais des capitalistes dans l’opinion publique, repose sur un postulat tacite : les élites économiques sont les seules productrices de richesse (non pas les travailleurs qui travaillent), elles doivent diriger le monde à leur guise. La politique réduite à des pourcentages vient, par son argument d’autorité, affirmer que la décision ne saurait plus être celle des représentants du peuple ; elle vient dire que l’élection deviendrait une guignolade sans conséquence s’effaçant devant une révérence faite aux vrais maîtres du monde.

Puis on parla de l’horreur.

On tue des enfants.

Le 19 mars, un homme tue quatre Juifs dont trois enfants, après avoir assassiné trois militaires les jours précédents. Lire la suite

-57 La belle scandaleuse

Par Pascal Boissel

Un discours xénophobe qui vient de l’État.
Dans les années 1980′s, le psychanalyste Gérard Miller s’inquiétait de ce qu’avec la montée du FN on s’habituait à entendre parler des étrangers en France en des termes qui depuis 1945 avaient été considérés inadmissibles. La situation, de ce point de vue, n’a fait qu’empirer ; et cette campagne électorale fait franchir un seuil dans le niveau de la parole crapuleuse. Toute hypocrisie, toute ambiguïté sont délaissées ; un discours de rejet, un discours xénophobe, islamophobe, et potentiellement antisémite s’affiche dans fard.
Le 10 janvier, le Ministre de l’Intérieur, un certain Claude Guéant, se félicitait d’avoir battu le record du nombre annuel d’expulsion d’étrangers. Chacun a les jouissances qu’il peut. Puis, le 2 mars, il affirma que le droit de vote aux élections locales des étrangers aurait pour conséquence l’obligation de manger de la viande halal dans les cantines scolaires. « Étranger » équivaut selon ce discours à « étranger musulman pratiquant », nécessairement intolérant (à la différence de nos gentils dirigeants policiers supposés très tolérants et très légèrement xénophobes par carriérisme). Manger halal deviendrait un risque de santé publique…
Fillon, une sorte de Premier ministre en exercice, tint à à ajouter un mot concernant la nourriture casher des Juifs religieux et pratiquants, ringarde et non scientifique selon son expertise de catholique pratiquant. Ce fut troublant : les gouvernants, jusque là, prenaient parti contre les musulmans, et pour une alliance avec des conservateurs religieux chrétiens et juifs. Attaquer la religion juive était certes très logique depuis la laïcité redéfinie par le FN comme arme nationaliste, xénophobe et islamophobe. Mais le contenu antisémite était, ces dernières années, soigneusement caché ; tactiquement l’antisémitisme ne pouvait plus se dire. Maintenant c’est dit, et par un haut personnage de l’État qui n’est pas particulièrement antisémite, très certainement, mais qui est logique. Une logique de haine.

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-71 Juste une pétition pour une liberté

Par Pascal Boissel

Dans quelques semaines des élections législatives auront lieu, à la suite des élections présidentielles. Un député  UMP, Daniel Fasquelle, est pressé de légiférer. Pour lui, l’enjeu est que la représentation nationale interdise la psychanalyse dans le système de santé comme à l’université.

Chacun peut consulter le blog de cet honorable parlementaire pour vérifier cette assertion. Le 20 janvier 2012, il a déposé un projet de loi exigeant que « les pratiques psychanalytiques, sous toutes leurs formes, » soient « abandonnées dans l’accompagnement des personnes autistes ». Partout, dans le service public de psychiatrie, dans le secteur associatif, toute référence à la psychanalyse (« sous toutes ses formes ») devrait être exclue sur injonction de l’État. Fort de cette logique, autoritaire s’il en est, le susnommé Fasquelle a écrit aux Présidents d’université pour leur demander de « tourner le dos définitivement à l’approche psychanalytique dans l’enseignement et dans la recherche ». Éradiquer la psychanalyse est la mission que s’est assignée ce député. Lire la suite

-85 Être civilisé. contre Guéant.

Par Pascal Boissel

À 85 jours de l’élection présidentielle, la campagne oppose Hollande, socialiste qui dit affronter « la finance », à l’UMP dont le chef minaude avant de se déclarer candidat. Dire que le PS français, qui a donné des dirigeants à l’OMC et au FMI, s’oppose au capitalisme financier peut distraire quelques instants; mais la parade actuelle ne saurait illusionner beaucoup de personnes même si elle permet aux experts de disserter à l’infini. Alors, devons-nous nous désintéresser de cette joute électorale où il faudrait choisir un hyper-président, puis dans la foulée, élire des députés vassaux du premier ? Non.

Il y a des mots qui viennent résonner singulièrement dans le brouhaha médiatique. Ainsi du mot « civilisation ». Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, homme de confiance de longue date du Président, grand expulseur d’étrangers, a parlé tout récemment devant un auditoire de l’UNI, la droite de la droite étudiante, les futurs cadres politiques de la droite de demain, de la supériorité de sa civilisation. Il précisa ensuite que la civilisation adverse était celle des musulmans. La sienne est-elle française? européenne? blanche? chrétienne? Un peu de tout ça, sans doute. Lire la suite

-99 Le président n’a pas seulement menti

Par Pascal Boissel

Lors de la campagne électorale de 2002 (qui fut aussi le moment de la première session de 100 jours), Sarkozy déclama dans plusieurs meetings « je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas, je ne vous trahirai pas ». Puis, élu, vite , il partit fêter sa victoire au Fouquet’s avec les principales fortunes du pays. Ainsi on sut que sa promesse ne s’adressait pas au peuple mais à l’aristocratie de l’argent. Il devait être sacré « Président des riches », grâce à un livre de deux sociologues, quelques années plus tard ; c’était très mérité.
En déduirons-nous que Président a menti à tous sauf aux capitalistes du CAC40 ? On pourrait en effet faire la longue liste de ses mensonges et reniements ; mais reconnaissons qu’ il fit pire. Il a dit, de façon systématique, une chose, son contraire, sans jamais justifier aucune de ces volte-faces. Il a ainsi participé à dévaloriser la parole politique, car au-delà de lui, c’est maintenant une habitude partagée que de ne parler qu’avec des « éléments de langage », sans cohérence.   Lire la suite