Par Yvalin
Salle d’Évaluation des Pratiques de l’Injection de Montpellier Ouest
Ouvert de 14 heures à 20 heures
Accueil anonyme, confidentiel et gratuit.
Une plaque, une porte anodine, une sonnette. On sonne. L’accueillant vient ouvrir « -Bonjour Paul, entre, comment vas-tu ? -ça va, ça va ; il y a du monde à côté ? -personne pour l’instant, tu peux y aller. -salut Yvalin, j’prends le box de gauche, ok ? -bien sûr. Première fois aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu as amené ? -un sken -ok, tu as consommé quoi aujourd’hui ? -pfftt -Paul c’est pas pour fliquer, on en a déjà parlé cent fois, un les statistiques et l’expérimentation, deux si t’es pas bien je dois le savoir pour intervenir correctement. »
Voilà c’est un peu l’idée. Nous sommes fin 2012. Deux projets ont été bâtis : en lieu fixe, et dans un petit camion. Nous avons monté des projets « light », transposables. Nous avons travaillé avec d’autres Caarud indépendants dans différentes régions.
Pour le lieu fixe, l’idée a été d’utiliser les structures existantes. Plutôt que de créer seulement quelques grandes salles, nous avons voulu mettre en avant le savoir et les compétences des acteurs de proximité. Les échanges de seringues avaient déjà lieu à ces endroits, du personnel était présent, très souvent une infirmière, une assistante sociale est déjà sur place. Les salles ne sont pas à l’intérieur, mais en annexe sur le côté de la structure, enfin ça dépend des lieux. Nous avons ainsi ouvert deux petites salles en ville, dans les deux structures existantes. Moins de regroupements, moins de stigmatisations, plus de quiétude. Un règlement intérieur a été discuté entre les équipes et les usagers ; à part quelques adaptations locales toutes les salles ont adopté le même et les protocoles sont similaires.
Pas de personnes mineures, anonymat et gratuité, obligation de montrer le produit qui va être utilisé pour éviter le deal à l’intérieur de la salle et intervenir plus judicieusement si nécessaire. Vingt à trente minutes maxi dans le box. Nombres de shoot limité par journée, possibilité pour l’équipe de refuser ou exclure un usager trop indélicat. Nous avons étudié les règlements intérieurs étrangers et … celui des débits de boisson.
Tout le personnel est formé aux soins d’urgence, avec un accent spécifique sur les overdoses et les interactions entre produits. Cette formation est réactualisée périodiquement. Au minimum trois personnes sur la structure dont un-e infirmier-e, des interlocuteurs privilégiés avec le Samu et la police en cas de problème médicaux ou de sécurité.
Pour le lieu mobile, nous avons un petit camion aménagé ; deux « pièces » : un accueil pour discuter, rencontrer les gens, c’est là aussi que se trouve l’échange de seringues et nous avons pu y adjoindre un accès bas-seuil à la méthadone. La seconde pièce est la salle de shoot proprement dite : deux places et un bureau pour le permanent qui supervise l’injection et recueille les données. Trois associations se partagent son utilisation et ont pu ainsi amoindrir le coût de fonctionnement. Les horaires sont un peu décalés avec les deux salles, trois points de stationnement avec des horaires fixes ont été autorisés. Nous travaillons à présent sur la possibilité de nous déplacer dans des lieux à la demande, non par prosélytisme, mais pour être au plus prêt de la réalité de terrain, rencontrer le plus de gens possible, créer un lien.
J’espère que je ne suis plus dans l’utopie, que nous pourrons le faire. Que nous aurons la possibilité d’expérimenter ces pistes, qu’on nous laissera assez de temps pour en faire l’évaluation.