Par Yvalin
Dimanche 1er avril – le soir
Voilà le récit a été publié cet après-midi, j’aime bien le « ressentir ce qui nous est épargné ». C’est simple et en même temps un peu énigmatique ou juste poétique. Bon, en relisant le texte je m’aperçois que je voulais parler de tout autre chose, et puis … et puis il y avait ce coup du doute. Moi je la connaissais la réponse, mais j’avais, j’ai, vraiment du mal à entendre des professionnels (je déteste cette terminologie), disons donc : d’entendre des salariés, douter de l’intérêt de ces salles.
Et samedi après-midi j’avais été soulagé, conforté : d’autres, très grands, très pros, que je respecte et admire pensent comme moi. Samedi il y avait la caravane de Médecins du Monde avec le slogan « Votez Santé ». Nous avons un peu discuté, j’ai pris langue avec des gens que je connaissais et ils ont eu la même réaction que moi : comment un salarié du secteur, bas seuil, première ligne, peut douter de l’apport d’un tel endroit ? Se méfier des modalités, des effets induits, c’est naturel, mais dans le principe : on accueille, on soutient, on distribue du matériel, ils vont bien l’utiliser quelque part !
Bon je sens que je vais encore diverger, recentrons-nous, mardi dernier réunion de travail. Tout les concernés étaient là, un rapide point sur ce qui était fait, et nous avons avancé sur ce que nous devons faire. Mardi après-midi prochain, un administrateur vient me remplacer à l’accueil pour que je travaille à l’élaboration d’un dossier, d’une plaquette. Vous allez-m’aider.
Lundi 2 avril
Notre travail, en interne, est terminé. Enfin, disons que nous avons aujourd’hui bien assez alimenté nos connaissances notre réflexion sur les salles d’injection. Notre conseil d’administration, hésitant pour quelques uns, est à présent pour. Nos collègues, qui ne travaillent pas sur le projet, suivent néanmoins avec intérêt son évolution. Pas encore vraiment de positionnement de l’équipe sur le lieu, les modalités exactes. Tiens, c’est peut-être un sujet que nous devrions lancer : « -chers collègues notre conseil d’administration a décidé de consacrer une salle de notre Caarud (rappel : Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques auprès des Usagers de Drogues) en tant que « salle de shoot ». Comment allons nous la gérer ? » ; ou, plus soft, moins provocateur : « -chers collègues, vous connaissez notre public, comment voyez vous l’ouverture d’une salle de consommation dans notre ville ». Bref, laissons cette idée suivre son cours, et réfléchissons déjà à demain après-midi.
Si le travail interne est terminé, il faut à présent entrer en contact avec des instances moins impliqués que nous : la population et leurs édiles. Nous voudrions aller à la rencontre de la mairie, la police, la justice. Mais nous ne pouvons arriver les mains vides. Nous ne pouvons pas rencontrer quelqu’un, qu’il soit pour ou contre, discuter, débattre, puis repartir sans laisser une trace de notre passage. D’où l’idée de cette plaquette. L’idée c’est faire un truc marketing. Facile et rapide à lire, mais présentant tous les grands points. Faire un 4 pages, entre le flyer et le bulletin municipal. Page 1 le titre : « une salle d’évaluation des pratiques de l’injection, serait-elle utile à M. ? » en très gros, justifié à droite de la page, 1 à 2 mots par ligne et au dessus, le logo de notre asso. Page 2 : état des lieux, 125 000 seringues distribuées à 450 usagers. 210 usagers sans domicile fixe. Page 3 : propositions. Page 4 : bibliographie et références. Il faudrait trouver une ou plusieurs photos, surtout pour la première page. Photos comment ? Trash, la pompe dans le bras, informative : l’image d’une salle, le camion de Fixerum à Copenhague (regardez www.youtube.com/watch?v=mwYPgn2lVUI ). Format A4 ou B5 (=demi A4). Puis est venu l’idée de faire un petit dossier supplémentaire, quelques dossiers bien rédigés, assez court, réuni en un livret ou plusieurs. L’idée serait alors que la personne qui les reçoit puisse les redistribuer, prêter, égarer…
Mais la première question que nous devons nous poser est : pourquoi rencontrons nous la personne, pourquoi lui laisser un document ? Nous voulons tâter le terrain, savoir où nous mettons les pieds avec ce projet. Mais nos administrateurs aimeraient aussi que cette étude soit financée. Ah, ah, voici donc le vrai but : déjà pouvoir financièrement réaliser une étude, qui du coup serait nécessairement approfondie, permettrait de rencontrer du monde sans les braquer, et tout simplement dégager du temps de travail. Le financement, nous permettrait aussi une sorte d’officialisation de la démarche, ce qui est un premier petit pas vers la reconnaissance.
Mardi 3 avril – au soir
déception : la personne qui devait me remplacer est malade ; doute : M. me dit qu’elle a travaillé sur une plaquette ; surprise : 4 pages, une bonne approche du sujet.
Voici une bonne base, très sobre, trop pourrait on dire, mais le sujet est tellement épineux que ce n’est peut-être pas plus mal. Page 1 : pour une étude d’opportunité de création d’une salle d’injection supervisée à M., rappel « une salle c’est quoi, ça sert à quoi ». Page 2 : premiers constats dans la ville de M., page équivalente à la maquette précédente, mais qui induit bien la notion que ce ne sont que les balbutiements d’une étude, d’ailleurs en bas de page nous notons en gras que ce sont ces premières constatations qui font que nous demandons des moyens financiers et des soutiens ! Page 3 : les expériences à l’étranger, trois exemples Genève, Vancouver et Bilbao. Nous ajoutons à une courte description quelques phrases chocs : « Insite sauve des vies » – arrêté de la cour suprème du Canada du 30 septembre 2011, dans l’article 133 et interview de Bilbao, Jon Aldeiturriaga, que j’ai cité la semaine passé, est le représentant des commerçants.Page 4 : pour en savoir plus…, bibliographie, et c’est là, en fin de dossier, qu’apparait notre logo et nos adresses. Nous travaillons toute l’après-midi dessu, pour améliorer la mise en page, finaliser le document comme décrit ci-dessus.
Mercredi après-midi nous continuons et on essaye de trouver les aricles qui se joindront à cette plaquette. Nous en avions recensé trois, on en ajoute un quatrième. Jeudi matin, gros soucis d’impression, je n’arrive pas à imprimer correctement la plaquette sur un A3 qui une fois plié fait une jolie présentation. Les joies de l’informatique ! Enfin après x essais, c’est dans la boîte, la configuration requise est précieusement enregistrée !! Jeudi après-midi, toujours une grosse journée avec la distribution des colis alimentaires. Je n’ai pas pris le temps de compter conbien de femmes, d’enfants de moins de 3 ans, de moins de 15 ans seront les bénéficiaires. Je veux finaliser le dossier. Quelques lignes à la fin d’un des documents pour présenter celui-ci et … apposer notre logo et nos références.
Fini. Je brieffe notre directrice sur ce que nous avons fait, ce qu’elle trouvera dans la pochette. Demain soir conseil d’administration de l’asso. Il faut qu’ils commentent, donnent leur aval. On verra. Ce soir, moi, je suis en vacances.